Interview par Radio Bresse d'Anne Simonin - 2 avril 2012 -

Parcours de vie de Basile

BASILE, né le 01 05 2002

 

Parcours de vie

 

De mai 2002 à fin 2004 : un joli bébé qui pousse de façon harmonieuse, mais avec des petites différences qui font sentir qu’il n’est pas comme son frère sans pouvoir l’expliquer. Tout s’accélère au printemps 2004 , Basile régresse, perd le langage déjà bien pauvre par rapport à son frère au même âge, s’agite, court partout, mange mal, dort mal, mais certains jours, il va mieux que d’autres. Nous ne savons pas encore que c’est grave, et perdons un temps précieux à penser que ça va aller mieux, à aller voir homéopathes, ostéopathes . Personne ne nous dit rien, alors qu’aujourd’hui, l’autisme nous sauterait aux yeux…

Nous savons maintenant qu’un simple questionnaire (le CHAT R) réalisé par le médecin allait le mettre dans un groupe à risque et aurait accéléré ainsi son diagnostic.

Les mois filent, alors qu’il aurait fallu avoir une prise en charge intensive à ce moment là, ne pas le laisser s’enfermer, mais nous ne le savions pas !

 

Début 2005 : un diagnostic, ou plutôt un non diagnostic puisque c’est apparemment tabou de dire que Basile est autiste se fait grâce à internet et à un questionnaire envoyé aux ETATS UNIS : 15 jours après, nous recevions une idée de diagnostic : autisme typique d’un degré un peu plus fort que moyen ( diagnostic français officiel en décembre 2009 : autiste au début du sévère). Un pédiatre informé nous confirme le syndrome autistique. Beaucoup d’errances et encore de perte de temps. Une rencontre avec une association au printemps 2005 nous ouvre enfin les yeux sur le travail éducatif, les compétences préscolaires, la propreté, la communication. La tâche est immense, c’est décourageant, mais nous essayons de nous armer.

Entre temps, l’état de Basile s’est presque dégradé, l’autisme est encore plus criant : il s’enferme.

 

Mai 2005 : nous faisons un stage grâce à cette association, et le PECS est mis en place, une éducation structurée, et nous nous rendons compte que son cerveau n’est pas si apathique qu’on pourrait le croire. Mais nous errons encore beaucoup et faisons confiance : psychomotricité au CMP de Louhans, notre secteur : naïvement nous pensons que c’est de la gym et comme on le porte de la voiture au CMP, nous le laissons en pantoufles pour qu’il soit plus à l’aise pour la motricité : on nous demande froidement si notre enfant n’a pas de chaussures. Anecdote qui montre comment sont vus les parents. Nous apprendrons par la suite que Basile est observé au   CMP : nous ne savons pas ce qu’il fait, et le retrouvons avec de la semoule jusque dans le slip . J’ai compris après qu’on le laissait s’autostimuler dans la semoule et qu’on l’observait, attendant peut être un déclic.

On n’a pas de programme , on ne sait pas ce qu’il fait et on voit bien que la situation s’aggrave…. Basile continue de s’enfoncer dans l’autisme, nous ne savons plus qui croire, avons peur de perdre une séance de psychomotricité car personne ne nous guide. Avec le recul, il aurait été si facile de nous guider pour lui faire faire de la motricité quotidienne, et non hebdomadaire, seul avec un adulte.

 

Septembre 20005/ avril 2006 :

Sur les conseils d’un pédiatre, nous inscrivons basile en hôpital de jour, le mardi de 10 h à 16 h. Il a trois ans et demi, et nous refusons le taxi ( mon mari a la bonne idée de regarder un peu et se rend compte que les enfants remplissent les taxis et y passent des heures) nous sentons la désapprobation parce que nous ne voulons pas mettre notre petit bonhomme dans le taxi . Nous l’emmenons donc le mardi et allons le chercher.

Il a des « soins » nous dit-on, mais on ne voit pas quoi. On ne le saura jamais, Basile ne racontant pas. Des soins ? Il n’a pas de maladie grave, on ne comprend pas. Plusieurs fois, on le retrouve avec le nez plein de terre : on comprend par la suite que son éducatrice était absente ( parents jamais avertis) il a donc été juste surveillé et s’est autostimulé beaucoup dans la terre noire du jardin). Son autostimulation de l’époque consiste à prendre la terre avec ses doigts, et à la brasser en « jargonnant » en montant ses bras et en les descendant . On voit bien que quand il fait ça, il n’est plus présent du tout . Et on sent bien que plus il le fait, plus il a envie de le faire .

Basile se sert cependant bien de son classeur PECS à la maison et après rencontre avec l’hôpital de jour, on réalise que le classeur reste au vestiaire et que le grand débat qui règne là-bas, c’est pour ou contre les images. Un peu plus informés des réalités de l’autisme, et comme l’H d J est à 50 km de notre domicile, nous décidons d’arrêter le mardi .

Entre-temps, je vois bien qu’il faut entreprendre un travail de longue haleine, fabriquer du matériel adapté à basile, que je ne sens pas compatible pour l’instant avec une vie professionnelle . Je décide donc à la même époque d’arrêter mon travail de prof, (pourtant à mi temps depuis la naissance de Basile, second enfant d’une fratrie de deux à ce moment- là.)

 

ECOLE 2005 /2006 :

Pendant cette année Basile va un peu à l’école, il n’a pas d’AVS et c’est finalement la mamie (grand-mère maternelle) qui l’accompagne, deux matins par semaine, de 10 h à 12 h ( car il a été décidé qu’ il était trop fatigable et qu’il ne devait pas faire 3 h de suite. Cela se passe bien et on voit vite qu’avec les enfants ordinaires il y a plus d’échanges qui s’instaurent : courir ensemble dans la cour… de petites imitations verbales se font parfois , rapportées par la mamie. Comme je commence à lui faire faire du travail éducatif en adaptant, on constate qu’il a des capacités, qu’il n’est pas sot, mais il faut aller le chercher, et l’aider à montrer ce qu’il sait, malgré tout son retard qui s’accumule.

La mamie voit les autres qui font du vélo dans la cour et finit par faire de l’aide gestuelle sans le savoir : elle met ses mains sur ses pieds, lui fait appuyer sur les pédales, répète, répète encore et Basile finit par savoir faire du vélo !!!!

Bienveillance, volonté de lui faire faire des choses comme les autres, aide physique, aide morale, encouragements, individualité et répétitions ont permis de lui faire acquérir une grande compétence de l’enfance, qui le positionne « comme les autres ». Il y trouve en plus beaucoup de plaisir et faire du vélo en famille devient accessible.

Pendant cette année, nous créons une association, les TED’S , avec le sentiment qu’il ne faut pas rester seul, qu’il faut partager les expériences , avoir un réseau.

 

2006/ 2007 :

Basile va enfin 4 matins à l’école , avec une EVS, et une AVS après avoir discuté et bataillé, car on voulait encore le faire rentrer après les autres et moins de temps. Je cède pour 15 jours, je vais le chercher à 11 h sans comprendre, encore aujourd’hui, pourquoi.

Je sais à ce jour que les baillements chez les enfants handicapés ne veulent pas forcément dire qu’ils sont fatigués, c’est une réaction quand le cerveau travaille nous a t-on expliqué. Nous constatons que malgré des baillements , basile ne fait plus la sieste depuis belle lurette et s’agite toujours autant.

Nous avons cessé les prises en charge CMP et H D J. Basile n’ a pas fait de progrès, et quand bien même nous ne le savons pas, mais nous ne constatons rien dans notre quotidien et nous ne savons toujours pas à ce jour ce qu’il y a fait.

La maîtresse voit bien que pour les puzzles par ex, basile a dépassé les Petites Sections ( il a l’âge des Moyens) mais est placé avec les PS.

L’EVS est gentille, mais ne connaît pas les programmes scolaires, ne sait pas appliquer la visualisation des consignes , ne sait pas quoi lui faire faire, attend, pendant ce temps basile s’enferme et il commence à ne plus vouloir faire son travail. L’AVS quant à elle, vient aussi en CESU à la maison, elle est très compétente à la base, d’un très bon niveau universitaire, motivée, bienveillante, avec une envie d’accompagner basile le mieux possible. Nous la formons. Les progrès scolaires émergent fortement avec elle.

Nous mettons en place un suivi par le SESSAD du Jura voisin. Les interventions se font à domicile, il y a beaucoup de bienveillance à notre égard et à celui de basile, c’est plus profitable, beaucoup mieux . Le seul souci qui commence à poindre c’est l’absence de programme : un jour on lui fait trier les animaux à deux pattes et à quatre pattes, sans savoir s’il sait compter et sans aller plus loin pour vérifier si c’était compris et généralisé. On n’enchaine pas sur les animaux à poils et à plumes par ex, et sans concertation avec le programme scolaire. Dommage quand on sait que les enfants autistes ont besoin d’un nombre de répétitions supérieur à la normale pour enregistrer.

Pendant cette année, devant la stagnation du langage de basile nous nous formons nous même par une association suisse qui fait venir des professionnels du Canada au « comportement verbal ».

Basile commence à parler plus, à répondre aux questions : qui est ce , qu’est ce que c’est ? Il commence à être plus attentif et à passer de bons moments de travail à table.

 

Le SESSAD n’est pas du tout formé et refuse toute « nouveauté » : nous cessons donc les interventions. Il n’y a pas de traces écrites sur cette période, car il n’y avait pas de programmes , donc pas d’évaluations, on ne sait pas sur quoi les interventions portaient, on ne peut donc dire s’il a fait des progrès grâce au SESSAD.

 

En cela l’école répond à toutes les attentes de l’éducation, quelle qu’elle soit : programme, aménagements de programmes , évaluations, remédiations.

« L’éducation «  concerne autant les enfants ordinaires que les enfants à besoins spéciaux.

Nous commençons à entrevoir la nécessité de rester à l’école, pour cela nous avons besoin d’aide pour adapter les programmes. Nous trouvons cette aide précieuse en août 2007 auprès d’une psychologue cognitiviste, Nelly Coroir qui vient consulter à Saint Priest une fois par mois. Cette aide est précieuse : elle guide l’EVS, l’AVS, la maîtresse et nous les parents qui devons coordonner tout le monde . Nelly Coroir, nous laisse entrevoir la possibilité pour basile d’apprendre à lire, objectif inespéré l’année précédente.

Le moral est meilleur pour tout le monde car nous sommes « guidés » et conseillés. Cela rejaillit sur toute la famille : fratrie, grands parents, et parents bien sûr. De ce fait , nous sommes plus à même de savoir gérer Basile, de le faire progresser, nous sommes plus positifs et cela change tout. L’engrenage est lancé .

 

2007/2008 : encore une moyenne section de maternelle. Cette fois -ci avec l’EVS seulement , gentille et bienveillante mais absolument pas intéressée par la pédagogie et les programmes de maternelle. Elle aide trop Basile, ou pas assez, ne visualise pas.

Les progrès qu’il fait émanent de la maison où il apprend, à l’école, il généralise seulement .

 

2008/2009 : Fin 2008 , une petite sœur arrive, Basile se retrouve ainsi le second d’une fratrie de trois enfants…

Grande section de maternelle . Basile est accompagné à mi-temps par l’ AVS de 2006, qui vient à la maison aussi en CESU, qui est formée, et par une nouvelle EVS l’autre mi-temps. La différence se fait vite sentir , avec l’AVS nous sommes déjà dans la prélecture, avec l’EVS, c’est plus léger, elle part en cours d’année, sans prévenir, n’est pas motivée du tout. La maîtresse collabore bien, nous avons le temps d’anticiper et basile progresse bien. Le suivi de Nelly Coroir nous met la barre haute, mais nous avançons, l’idée du CP arrive… mais conditionné à son accompagnement, car sans adaptation, ce n’est pas possible. Notre AVS si bien formée et motivée est en fin de contrat en juin 2009.

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2009/2010 : un décret permet aux associations agréées pour certains types de handicap ( ceux qui nécessitent de la formation, comme la LSF, ou l’autisme) de passer une convention avec l’Education nationale pour reprendre les contrats de ces AVS. Nous tentons l’expérience pour permettre à Basile d’avancer au mieux et de ne pas sortir du milieu ordinaire. En parallèle , tous les enfants de l’école le cotoient, voient que malgré son handicap lourd (« il ne parle pas ») il arrive à faire des choses . Ils le stimulent en récréation ; en cours, on se bat pour être à côté de Basile.

 

Fin 2009, un diagnostic officiel est posé par l’équipe du CRA de Besançon : autiste typique à 39 sur l’échelle CARS, donc au début de l’autisme sévère. L’équipe du CRA nous encourage à continuer la prise en charge, surprise par tout ce qui a déjà été mis en place et par le niveau cognitif de Basile qui s’en est trouvé avancé par rapport à ce qu’il aurait pu être si on l’avait laissé s’enfermer tranquillement.

 

Premier CP avec son AVS , la lecture arrive, il faut des adaptations que l’AVS fait sans problème, elle en apprend au maître qui parfois s’en sert pour les élèves en difficulté.

 

2010/ 2011 : second CP avec son AVS, la lecture s’assoit, la compréhension s’affine, un peu de grammaire arrive à se faire grâce à la pédagogie Montessori, à laquelle la maman, l’AVS et la psychologue de Basile sont formées. On envisage un CE1.

 

2011/2012 : CE1 avec son AVS. La lecture permet une meilleure compréhension, d’autres objectifs arrivent. La socialisation progresse.

 

 

2012/2013 : CE2 avec son AVS. La psychologue cesse ses délocalisations à Saint Priest , Basile n’y va presque plus et le suivi s’en ressent. L’âge augmentant, une certaine rigidité cognitive se met à jour. Il faut agir avant que certains comportements ne s’ancrent définitivement.

Nous faisons faire un bilan à Basile au cabinet Espas IDDEES de Paris, car celui du CRA a déjà 3 ans. Nous mesurons les progrès dans certains domaines ( lexique : évalué à 6 ans) compréhension sociale ( 3 ans et demi) alors qu’il y a trois ans, il était évalué à 15 mois. C’est peu, mais c’est énorme pour son autisme. Son QI non verbal est toujours celui des enfants de son âge, ce qui est rassurant. La neurospychologue nous conseille de travailler sa flexibilité cognitive pour assouplir cette rigidité , typique de l’autisme et génératrice de troubles du comportement excluant.

Nous décidons de faire faire un suivi psychologique par le Cabinet Iddees de Nevers. Une psychologue formée , cognitiviste , comportementaliste, vient donc au domicile et à l’école pour aider Basile à progresser et à s’insérer au mieux. L’autisme est un handicap compliqué, beaucoup plus qu’une simple déficience : malgré quelques années de « bouteille » et des formations, nous avons encore besoin d’une guidance, d’un encadrement, de recadrages, l’idée d’une future professionnalisation pour Basile se faisant jour.

 

2013/2014 : Basile fera un second CE2, afin de ne pas le mettre en échec et sera en CM1 pour certaines matières comme le sport. Les récréations se font en commun ; il ne perdra donc pas les enfants avec qui il est plus familier et avec qui il a tissé des liens. Les enfants de l’école ont beaucoup de bienveillance pour lui, ainsi que les adultes. Cette attitude accueillante porte ses fruits, il faut dire que son AVS facilite grandement les choses, sans elle , cela n’aurait pas été possible.

Basile sera évalué à nouveau début 2014 , afin de mesurer concrètement ses progrès ainsi que les ajustements à effectuer.



Lui c'est basile, il apprend différemment mais il apprend beaucoup.

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